Est ce que l’employeur peut refuser une mission légale ?

L'examen annuel des comptes de votre entreprise, l’expertise annuelle des comptes, l’analyse des comptes annuels et maintenant la consultation sur la situation économique de l'entreprise voire "l'audit des comptes" sont les différents noms qui existent pour une mission qui consiste, une fois par an, à comprendre ce qu’il s’est passé dans l’entreprise, comprendre les évolutions, comprendre pourquoi les chiffres sont bons ou mauvais, comment évolue votre marché, comprendre les échanges entre les sociétés d’un même groupe … Parfois l'employeur émet un refus de l'analyse des comptes, que devez vous faire ? comment le CSE doit réagir ? que dit la loi ? 

        SOMMAIRE

Se faire assister par un expert comptable : un droit aucun refus de l'analyse des comptes n'est possible

Pour être « à la charge de l’entreprise » : des cas précis !

Se faire assister par un expert comptable : un droit aucun refus de l'analyse des comptes n'est possible

Les élus n’étant pas des spécialistes du chiffre, le Code du Travail permet de se faire assister dans une prérogative importante pour le Comité social et économique (CSE) : connaitre la santé financière de l’entreprise, comprendre les échanges entre les sociétés du groupe, comprendre les éléments financiers… C'est pour cette raison que le législateur permet aux élus du CSE, depuis de 30 ans, de faire, une fois par an, une analyse des comptes annuels (ou un examen de la situation économique et financière) de votre entreprise. Ainsi, un expert comptable va vous aider à décrypter la masse importante des chiffres que votre entreprise doit vous communiquer, vous les rendre compréhensible et vous éclairer sur les flux financiers entre les entreprises, les signes de bonne santé financière (ou les déficits factices). Tout en assurant un suivi sur plusieurs années ; Vous ne devez pas attendre le premier PSE pour comprendre votre société, c’est trop tard. La compétitivité ne se mesure pas forcément sur le nombre de salarié mais parfois sur l’organisation qui n’est pas bonne.

La direction n’a pas à déclarer que cette intervention est inutile, chère ou que vous avez déjà l’information, ou se permettre de choisir un autre expert comptable. Les élus du CSE sont totalement libres de leurs choix !

Le refus de l'analyse des comptes n'a pas lieu d'être.

Pour être « à la charge de l’entreprise » : des cas précis !

Les missions pour lesquelles le CSE peut avoir recours à un expert comptable à la charge de l'entreprise sont strictement limitées.

En dehors de ces cas, le CSE doit prendre l’intervention sur son budget de fonctionnement.

Important : il faut avoir un effectif de 50 salariés au minimum

Attention car l’ANI (la loi de sécurisation de l’emploi) liste de nouvelles interventions qui ont un financement mixte. Toutefois, ce financement mixte ne porte que sur ces nouvelles missions, les missions légales sont toujours à la charge de l’entreprise

Dès lors qu'un cas de recours est légalement prévu dans le Code du travail, l'employeur ne peut y faire obstacle.

Les différentes missions possibles

Les interventions sont : PSE (2 cas possibles), droit d’alerte, opérations de concentration et sur l’examen du rapport sur la participation.

Certaines interventions sont modifiées : l'examen annuel des comptes et l'examen des prévisionnels font partis, depuis 2015, de la consultation sur la situation économique et financière de l'entreprise. La partie sociale de l'examen annuel des comptes devient une intervention qui se nomme la consultation sur la politique sociale de l'entreprise et les conditions de travail et emploi. Il existe aussi les orientations stratégiques de l'entreprise et l'impact sur l'emploi.

La décision de faire appel à un expert-comptable pour la consultation sur la situation économique et financière de l'entreprise mais aussi pour toute mission légale est une question que le CSE est seul habilité à apprécier. L'employeur n’a pas à juger si cette analyse de la situation économique et financière de l'entreprises est utile et ne peut en aucun cas s'y opposer.

Le CSE peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix :

1° En vue de la consultation annuelle sur la situation économique et financière prévue à l'article L. 2312-25 (ancien examen annule des comptes) ;

2° En vue de l'examen des orientations stratégiques de l'entreprise prévu à l'article L. 2315-87 / L. 2312-24 ;

3° En vue de la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi définie à l'article L. 2312-26 ;

4° Dans les conditions prévues à l'article L. 2312-41, relatif aux opérations de concentration ;

5° Dans les conditions prévues aux articles L. 2323-50 et suivants, relatifs à l'exercice du droit d'alerte économique ;

6° Dans le cadre d'un PSE : lorsque la procédure de consultation pour licenciement économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours, prévue à l'article L. 1233-30, est mise en œuvre. Le comité peut également mandater un expert-comptable afin qu'il apporte toute analyse utile aux organisations syndicales pour préparer les négociations prévues aux articles L. 5125-1 et L. 1233-24-1. ;

7° Dans les conditions prévues aux articles L. 2323-35 à L. 2323-44, relatifs aux offres publiques d'acquisition.

Tous ces cas sont prévues par le code du travail afin d'éviter un refus de l'analyse des comptes par votre société.

Quelques jurisprudences (décisions de justice)

Plusieurs décisions de justices ont confirmé ce principe et ont donné raison aux CSE qui voulaient se faire aider pour une expertise annuelle des comptes ou une situation économique et financière.

L'employeur ne peut pas s'opposer à la désignation d’un expert comptable.

Doit être cassé l'arrêt qui, pour retenir la faute lourde à l'encontre d'un salarié, directeur général adjoint, relève notamment que l'intéressé n'avait pas exécuté le Télex émanant de sa direction lui demandant de ne pas donner suite à la mesure d'expertise décidée par le comité d'entreprise, alors que le président du comité n'a pas le pouvoir de s'opposer à la décision du comité de désigner un expert.(Cass. soc. 12 mars 1991, n° 89-41.941, cassation, BC V n° 129).

Le comité d'entreprise n'est pas obligé de désigner l'expert comptable lors de la réunion d'information au cours de laquelle les comptes lui sont présentés.  Cass. soc. 15 décembre 2009, n° 08-17.722, rejet, BC V n° 285.

Le fait que l'assemblée générale des actionnaires ait statué sur les comptes de l'année en cours, avant que le comité d'entreprise ait pu donner son avis, ne saurait priver ce comité de son droit de procéder à l'examen annuel des comptes et de nommer, pour ce faire, un expert comptable. Cass. soc. 2 mars 1993, n° 90-12.868, cassation, BC V n° 74.

Le cas plus complexe : la situation économique et financière de l’établissement

Le principe : dès lors qu'un établissement, au sein d'une entreprise, est doté d'un CSE d'établissement, ce dernier peut se faire assister d'un expert comptable pour l'examen des comptes annuels de cet établissement. On peut supposer que cette possibilité existe encore dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière de l'entreprise.

La Jurisprudence c’est souvent prononcée dessus :

Le comité d'établissement d'une succursale d'une société, qui avait décidé de se faire assister d'un expert comptable en vue de l'examen annuel des comptes de la succursale pour l'année 1996, avait fait assigner la société pour qu'il soit statué sur la nécessité du recours à l'expert comptable, lequel n'avait pu exécuter sa mission à la suite du refus opposé par le directeur de la succursale. Les comités d'établissement ont les mêmes attributions que les comités d'entreprise dans les limites des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements et alors qu'en l'espèce, la succursale était un établissement distinct doté d'un comité d'établissement, ce dont il résultait que ce dernier pouvait se faire assister d'un expert comptable pour l'examen des comptes annuels de cet établissement.  Cass. soc. 14 décembre 1999, n° 98-16.810, cassation, BC V n° 487 ou encore cass. soc. 11 mars 1992, n° 89-20.670, rejet, BC V n° 176.

Après avoir rappelé que, dans le cadre des accords collectifs ayant institué une unité économique et sociale, le caractère d'établissement distinct avait été reconnu à une société dotée d'un comité d'établissement, que le comité d'établissement était doté des mêmes pouvoirs que le comité d'entreprise dans la limite des pouvoirs confiés au chef d'établissement et que l'autonomie de cette société, qui gardait sa personnalité juridique, justifiait un examen spécifique de ses comptes, une cour d'appel a exactement décidé que, nonobstant la désignation d'un expert comptable par le comité central d'entreprise pour procéder à l'examen des comptes globaux de l'UES, le recours à un expert comptable par le comité d'établissement de la société en vue de l'examen annuel des comptes était justifié.  Cass. soc. 28 novembre 2007, n° 06-12.977, rejet, BC V n° 199 ainsi que cass. soc. 23 mars 2011, n° 09-67.512, rejet.

Les sanctions

Le seul cas où il pourrait s’opposer à ce type de mission serait en cas de désignation irrégulière. Si l’employeur persiste, il s’expose :

1-  au délit d’entrave (pour plus d'éléments cliquez ici),

2-  et vous pouvez saisir le Tribunal de Grande Instance qui statuera en urgence et demandera à votre société de se plier à ce vote.

La décision de recourir à un expert-comptable est prise au cours d'une réunion ordinaire ou extraordinaire du CSE. Il est préférable de le mettre à l’ordre du jour et de procéder à un vote pour éviter toute contestation ultérieure (désignation irrégulière). La jurisprudence affirme qu'il n'est pas obligatoire de faire un vote si le comité d'entreprise est unanime, nous vous conseillons de toujours en faire un.

Ce vote portera sur deux points :

— le principe même du recours à un expert-comptable dans le cadre de l'aide à la consultation du CSE pour la situation économique et financière (vote) ;

— le choix du cabinet d'expertise qui assistera le comité d'entreprise (Soxia) -vote-.

Consultez sur notre site, la page qui développe ce point vous trouverez des exemples (cliquez ici).

[notice]A noter : la jurisprudence est claire, l'employeur ou son représentant n'a pas à participer au vote. [/notice]

Ne vous laissez pas dicter votre conduite par des dirigeants qui ne veulent pas d’un expert comptable mandaté par le CSE… de toutes façons, ils trouveront toutes les justifications pour vous décourager de mettre le nez dans l’entreprise et sa gestion.

Aucun refus de l'analyse des comptes par l'employeur n'est possible.

En conclusion :

 

Les élus du CSE sont libres de décider s'ils souhaitent faire une "expertise des comptes", ils sont aussi libres de choisir l'expert comptable qu'ils souhaitent, c’est un droit. Aucun refus de l'analyse des comptes n'est possible.  Toute contestation de la part de l'entreprise constitue un délit d'entrave.

 

Si vous êtes dans ce cas, ou si vous avez une question ou un témoignage, vous pouvez nous contacter :

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