Bien utiliser le budget de fonctionnement du CSE (le 0.2% ou le 0.22%) est l'une des missions du Trésorier. La gestion de ce budget, modifié par les ordonnances Macron, est source de questions et parfois de tentations. Notamment celle du transfert de l'excédent annuel du budget fonctionnement sur le budget des œuvres sociales. La loi confirme aussi certains points de gestion applicables auparavant au comité d'entreprise. Que peut-on financer avec le budget de fonctionnement ? que faire si nous avons de grosses sommes qui dorment dans le fonctionnement ? Quelles activités sont véritablement imputables sur ce budget ?
Quelques éclaircissements sont nécessaires pour bien gérer le CSE en évitant les pièges.
SOMMAIRE
L'exception confirme la règle - Exceptio probat regulam
À partir du seuil de 50 salariés, l'employeur est tenu de verser un budget de fonctionnement (0,2% ou 0,22% selon taille) qui s'ajoute à la subvention destinée aux activités sociales et culturelles (ASC). Chaque année, les élus disposent ainsi d'une somme pour assurer le fonctionnement et les travaux du CSE pour des activités autres que les ASC.
Autrement dit, utiliser le budget de fonctionnement (0.2%) pour exercer librement et faire vivre ses prérogatives économiques et professionnelles, recourir à des conseils et se former de manière indépendante. La Cour de cassation rappelle que seuls les sommes ou moyens en personnel attribués pour les besoins du fonctionnement du CSE, à l'exclusion de ceux occasionnés par ses activités sociales et culturelles, peuvent être déduits de la subvention de fonctionnement (Cour de cassation, chambre sociale, 7 juillet 2021).
A cette fin, l’employeur verse au CSE une subvention de fonctionnement d’un montant annuel équivalent à 0,2 % de la masse salariale brute. Le taux est fixé à 0,22% pour les entreprises de plus de 2.000 salariés.
Pendant tout l'exercice, les 2 budgets sont distincts. La gestion séparée et étanche de chaque budget reste le principe pour bien utiliser le budget de fonctionnement du CSE. Le Trésorier du CSE applique le principe dit de « dualité budgétaire »
Cela dit, la loi permet une exception une fois à la fin de l'exercice lors de l'approbation des comptes N-1. A cette occasion, les membres du CSE peuvent décider le transfert d'une partie du reliquat annuel du budget de fonctionnement vers les activités sociales et culturelles (article L. 2315-61). Décider, c'est voter officiellement en réunion plénière.
Par excédent annuel, il faut comprendre le résultat net positif de l'année N-1. En outre, ce n'est pas la totalité de l'excédent annuel mais une partie limitée à 10% (article R. 2315-31-1 issu du décret du 26 octobre 2018). Le transfert demeure ainsi une exception.
Après le vote du CSE, le transfert des 10% maximum de l'excédent annuel du budget de fonctionnement sur le budget des activités sociales et culturelles nécessite des écritures comptables. En effet, le montant de la somme transférée mais aussi ses modalités d'utilisation doivent être inscrites dans les comptes annuels du CSE. Le rapport annuel d'activité devra également faire apparaître ces renseignements. Le Trésorier sera très vigilant sur ce point légal (L.2315-61). Le CSE doit respecter strictement le principe de séparation des budgets et le cas échéant ne pas dépasser la limite des 10 % de l’excédent annuel en cas de transfert (Cour de cassation, chambre sociale, 20 octobre 2021).
La pensée naît du doute
Chaque subvention (ASC et fonctionnement) que reçoit le CSE, doit avoir sa propre comptabilité et son utilisation spécifique au cours de l'exercice.
Mais dans sa gestion courante, le Trésorier du CSE peut parfois douter face à la nature d'une dépense. Est-elle imputable sur le budget de fonctionnement du CSE ?
Le raisonnement à adopter est le suivant : les charges sont réparties entre les deux budgets par destination et non par nature. Posez-vous la question de la finalité de la dépense.
Comme le soulignent les juges, pour utiliser le budget de fonctionnement du CSE « il ne saurait être question de se prévaloir de la liberté d’utilisation pour couvrir des dépenses étrangères à ses attributions économiques et professionnelles ».
Une illustration avec un cas hybride jugé. Utiliser le budget de fonctionnement du CSE pour payer le salaire d’une assistante dont l'une des principales affectations concerne les activités sociales et culturelles n'est pas possible. En l'espèce, le juge a retenu une ventilation à 50%-50% des salaires sur le fonctionnement et les œuvres sociales (Cour de cassation, 23 octobre 1991, n° 90-11105). En cas de doute, il vaut mieux demander à son expert-comptable pour ventiler les 2 budgets selon une clef de répartition.
En somme, bien utiliser le budget de fonctionnement du CSE implique une analyse préalable de la dépense à répartir ou à affecter...
Prudence est mère de sûreté
Se poser la question : est-ce que, comme nous l'entendons sur les salons CSE, toutes les dépenses entrent-elles dans le budget de fonctionnement ?
Voici un florilège des "arguments" avancés par certains "prestataires" pour utiliser le budget de fonctionnement du CSE en dehors du cadre légal. A toutes fins utiles, les auteurs de ces propos ne sont pas responsables de la gestion de vos budgets...
Soyez prudents face aux sollicitations parfois farfelues. Un prestataire connu en CSE s'est même fait condamné par un tribunal pénal en ayant prétendu aux élus que l'accès à un site internet proposant des ASC relevait du budget de fonctionnement.
Revenons à l'essentiel : pourquoi le budget de fonctionnement a-t-il été créé ? Pour permettre aux élus d'exercer leurs missions économiques et professionnelles en toute indépendance. Aucun CSE n'est à l'abris d'une réorganisation, d'un PSE, d'une formation (par exemple sur l'écologie qui vient de rentrer dans la BDESE). Disposer de moyens financiers est un gage de sérieux si vous souhaitez être un bon élu. Les salariés préféreront un PSE bien négocié qu'une serviette de plage avec le logo du CSE !
Le Trésorier du CSE fait parfois face à des sollicitations ubuesques.
Nul n'est censé ignorer la loi ?
Une décision du Tribunal d’Instance de Versailles (1er février 2019, n° 11-18-000014) illustre la pratique consistant à mentir sciemment, même par écrit, au trésorier et aux élus du CSE sur l'utilisation du budget de fonctionnement pour obtenir leur signature "oui, la seule chose imputable aux œuvres sociales est la boutique en ligne mais celle-ci est offerte comme indiqué sur le contrat. D'où cette imputation au budget de fonctionnement du CSE".
En l'espèce, le montant était de 9.000 € pour un abonnement donnant accès via une plateforme internet à des réductions aux salariés ! Conclusion, le juge prononce logiquement la nullité du contrat pour vice du consentement. Le juge donne raison au CSE car le fournisseur a volontairement indiqué qu'il fallait mettre la dépense dans le budget de fonctionnement du CSE alors que ce n'était pas le cas.
Le 9 février 2021, la Cour d'appel de Versailles confirme le jugement. Les juges refusent d'ailleurs logiquement l'argument "outil de communication" utilisé par le prestataire pour faire passer le coût sur le budget de fonctionnement.
Au fond, être Trésorier n'implique pas seulement de la rigueur mais aussi une certaine fermeté face aux pressions des prestataires (comme des élus parfois !) pour bien utiliser le budget de fonctionnement du CSE...
Piloter votre budget de fonctionnement sans turbulences !
L'existence même du budget de fonctionnement a pour but d'inciter les CSE à user de leurs prérogatives. Quelques exemples pour lesquels l'équipe Soxia peut intervenir à vos côtés : Suivre des formations (notamment la formation économique légale des membres du CSE).
Une décision n'est bonne que lorsqu'elle est prise
Engager une dépense au titre du budget de fonctionnement du CSE nécessite une décision officielle. Cela implique un vote des élus en réunion plénière du CSE. Quant au Président, il ne prend pas part au vote. C'est un détail d'importance quand on évoque le budget de fonctionnement.
Cela étant, la décision majoritaire des élus ne porte que sur des engagements de dépenses licites. On pense par exemple à la question de l'imputation de la dépense sur le budget de fonctionnement. Mais aussi à l'abus de confiance...
En effet, sous couvert d’un vote, le Trésorier et le Secrétaire ne peuvent pas se faire rembourser un week-end dénommé « Team Building » dans un 5 étoiles sur la côte d'Azur ... (Cas que nous avons rencontré lors d'un audit des comptes).
La décision du CSE peut être effectuée lors de l'approbation des budgets prévisionnels (pratique conseillée). Mais aussi de manière ponctuelle, au cours de l'exercice, avec un point spécifique à l'ordre du jour. Et pour les dépenses courantes, une clause du règlement intérieur permettra de poser les limites.
La vigilance est donc de rigueur. En effet, les conséquences peuvent être lourdes. L'objectif est de sécuriser le Trésorier du CSE. En d'autres termes, engager la dépense sans prendre de risque.
Voici un exemple pour illustrer le principe. Sans autorisation préalable du CSE, des élus ont été condamné à rembourser leurs frais de déplacement. En l'espèce, aucune autorisation préalable n'avait été actée que ce soit par un vote ponctuel du CSE ou une clause du règlement intérieur (lui même adopté par un vote).
« [...] Il ressort des procès-verbaux versés aux débats, que les déplacements litigieux et les frais afférents n'ont pas fait l'objet de discussions préalables [...] » (Cour de cassation, chambre sociale, 18 décembre 2012).
En conclusion : utiliser le budget de fonctionnement du CSE n'est pas très compliqué, il suffit de respecter les règles ci-dessus.