Le délit d’entrave est une infraction créée pour garantir aux représentants des salariés une liberté d'exercice dans leurs mandat. C'est aussi prévu pour garantir l'effectivité des attributions du Comité social et économique (CSE). Il s’applique dans le quotidien des élus notamment dans l'exercice des missions légales (situation économique et financière de l’entreprise, PSE, politique sociale, droit d’alerte…). Le spectre est ainsi assez large.
SOMMAIRE
Le délit d’entrave est défini comme une atteinte, une entrave ou une omission à la constitution ou au fonctionnement d’une institution représentative du personnel (élus du Comité social et économique (CSE), du comité de Groupe, l’exercice syndical…). Le délit d’entrave relève de la compétence du tribunal correctionnel (c'est donc du pénal).
Il peut avoir des formes très diverses et apparaître à toutes les étapes du dialogue social. Il porte sur des agissements et comportements de la direction de votre entreprise se traduisant par une action (communiquer des informations fausses, rédiger le procès-verbal -PV- à la place du secrétaire) ou une omission (par exemple ne pas verser les subventions, "oublier" de consulter le CSE sur un projet de réorganisation.... Cour de cassation, chambre criminelle, 30 mars 2021, n° 20-81.030).
Dans la majeure partie des cas, ce sont des élus qui saisissent la justice contre un employeur qui empêche le bon fonctionnement du CSE, ne pas mettre en place les élections du CSE, "oublier" des consultations ... Le bon fonctionnement est donné notamment par le Code du Travail, la Jurisprudence...
La prétendue méconnaissance du droit n'est pas une excuse. Le « Je ne savais pas » n’est pas admis…
3 éléments sont nécéssaires pour caractériser le délit d'entrave :
1- enfreindre un texte de loi
2- une action qui empêche ou d'un oublis
3- une volonté intentionnelle
Le délit d’entrave est notamment visé à l’article L. 2317-1 du Code du Travail. C'est « le fait d'apporter une entrave soit à la constitution d'un comité social et économique, [...] soit à la libre désignation de leurs membres, [...] est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 7 500 €. Le fait d’apporter une entrave à leur fonctionnement régulier est puni d’une amende de 7 500 euros. »
Les sanctions pénales constituent une garantie de l'effectivité des missions du CSE et du droit du travail en général. Pourtant, les peines encourues, en cas de reconnaissance du délit d’entrave, peuvent malheureusement apparaître comme peu dissuasives pour certaines directions :
Seul compte le caractère volontaire du comportement de l’employeur, peu importe ses intentions. Ainsi, pour la Cour de cassation « l’élément intentionnel du délit d’entrave se déduit, non du but recherché par l’intéressé, mais du caractère volontaire des mesures qu’il a prises ou s’est abstenu de prendre ».
Les cas de délit d’entrave sont nombreux. C'est pourquoi nous ne pouvons citer toutes les situations pénalement sanctionnées par la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Toutefois, dès le départ, pensez à contacter l'Inspection du Travail.
L'employeur est personnellement responsable lorsque l'on observe qu’il n’a pas pris les mesures ou n’a pas donné les instructions nécessaires pour éviter le non-respect des dispositions légales.
Ainsi, même s’il confie au DRH le soin de présider l'instance représentative (le CSE), le PDG engage sa responsabilité pour les décisions qui relèvent de son pouvoir. La délégation de pouvoir n'est pas un argument absolu pour s'exonérer de ses responsabilités... Parfois, il peut même y avoir cumul.
Celui qui reçoit délégation de pouvoir peut être condamné. Par exemple, le DRH qui préside sur délégation du PDG est pénalement responsable s’il participe au délit d'entrave (Cour de cassation, chambre criminelle, 16 septembre 2003, n° 02-86.661).
Les comptes de mon CSE : la forme des comptes, la banque, les placements, tenir la comptabilité sans être comptable, Ne pas verser le budget de fonctionnement. L’employeur invoquait des difficultés financières ce qui n’a pas convaincu le juge…
"pour dire établi le délit d'entrave au fonctionnement régulier du comité en raison d'un défaut de versement de la subvention de fonctionnement [...], les juges du fond retiennent que si M. X...fait état des difficultés de trésorerie de l'entreprise à l'époque considérée, il apparaît qu'invité à plusieurs reprises à régler le montant de la subvention, le prévenu a opposé un refus à cette demande." (Cour de cassation, chambre criminelle, 28 mai 2013, n° 12-81468)
Sur l'utilisation du budget de fonctionnement, cliquez ici.
– Refuser de donner au CSE les éléments lui permettant de calculer ses 2 subventions (fonctionnement et activités sociales et culturelles) notamment la masse salariale.
– Décider à la place des élus des dépenses à effectuer (nous avons rencontrés le cas d'un employeur qui utilisait l'argent du CSE pour meubler son bureau...) . A noter que votre employeur n'a pas le monopole du délit d'entrave. En effet, un secrétaire ou un trésorier ne peut pas engager des dépenses sans l'aval du CSE.
Pour des précisions sur les risques en cas de mauvaise utilisation des budgets, cliquez ici.
– Fournir en guise de local, un « placard » d’une superficie de 2 mètres sur 5. Les élus ne pouvaient pas se réunir et encore moins recevoir des personnes extérieures.
– S’opposer à la prise des heures de délégation, imposer une autorisation préalable par le hiérarchique ou encore ne pas payer les heures de délégations prises pendant le temps de travail…
A été souvent sanctionné le fait de ne pas donner l’information mais aussi de la livrer de façon incomplète ou imprécise.
Vous le voyez, les cas sont plutôt nombreux, variés… et parfois originaux.