Refus de l’employeur de mandater un expert-comptable CSE dans les 3 consultations obligatoires : éviter le blocage

Cet article s’inscrit dans notre série dédiée aux 3 consultations annuelles obligatoires du CSE, et particulièrement à la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise. Il vous aide à sécuriser le recours à un expert-comptable lorsque la direction tente de le limiter ou de le refuser.

Mis à jour le :
Temps de lecture : environ 5 min

Les élus du CSE disposent de trois consultations annuelles obligatoires :

  • la consultation sur la situation économique et financière,
  • la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi,
  • et la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise.

Pour chacune d’elles, le CSE peut se faire assister d’un expert-comptable afin d’obtenir une analyse claire et indépendante des informations transmises par la direction. Ce droit, prévu par le Code du travail, aide le CSE à comprendre la situation économique, à mesurer l’impact social des décisions et à anticiper les évolutions.

Pourtant, dans la pratique, de nombreux employeurs refusent ou contestent la désignation d'un expert-comptable, avançant des arguments de coût, d’utilité ou de redondance. Ces refus sont souvent infondés juridiquement et visent à limiter la capacité du CSE à exercer ses missions en toute transparence et loyauté.

Dans cet article, rédigé par Renaud Negre (expert-comptable spécialisé en CSE) et Jérôme Pennaneac’h (responsable juridique Soxia), vous découvrirez :

  • Pourquoi aucun refus de l’employeur n’est légalement possible,
  • Les textes et jurisprudences qui protègent ce droit,
  • Et les étapes concrètes pour anticiper un blocage et sécuriser la désignation de votre expert-comptable lors des trois consultations obligatoires.

        SOMMAIRE

Se faire assister d'un expert-comptable : un droit garanti au CSE

Quand la mission de l'expert-comptable du CSE est à la charge de l'entreprise ?

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Nos experts accompagnent chaque année des dizaines de CSE pour analyser les documents comptables. Cette mission est prise en charge à 100 % par l’employeur.

Se faire assister d’un expert-comptable : un droit garanti au CSE

Les élus du Comité social et économique (CSE) ne sont pas des spécialistes du chiffre, ni des juristes d’entreprise. C’est pourquoi le Code du travail leur reconnaît depuis 1946 (pour les comités d'entreprises) un droit légal d’assistance par un expert-comptable dans le cadre des trois consultations annuelles obligatoires prévues aux articles L. 2312-17 à L. 2312-36 :

Ce droit permet, chaque année, aux représentants du personnel de comprendre les données économiques, analyser les choix de gestion et mesurer leurs impacts sur l’emploi, la stratégie ou les conditions de travail.
L’expert-comptable du CSE joue un rôle d’appui essentiel : il traduit, explique et rend accessible l’information financière, sociale pour éclairer les décisions du CSE.

Comment réussir la consultation sur la situation économique et financière ? Découvrez pourquoi elle est importante.
Comment réussir la consultation sur la politique sociale ? Rôles du CSE, indicateurs et bonnes pratiques.
Comment réussir la consultation sur les orientations stratégiques ? Anticiper les impacts et préparer vos avis.

Un droit encadré par la loi : aucun refus de l’employeur n’est possible

Depuis plus de quarante ans, le CSE est libre de choisir son expert-comptable, sans autorisation de la direction.

Les articles L. 2315-78 à L. 2315-86 du Code du travail encadrent précisément les conditions de recours, la prise en charge financière et les voies de contestation. Il suffit de procéder à deux votes distincts à la majorité des membres présents.

L’article L. 2315-86 est particulièrement clair :

« L’employeur ne peut contester l’expertise qu’en saisissant le tribunal judiciaire dans les dix jours suivant la délibération. »

Aucun refus de l’employeur n’est possible : il ne peut ni discuter le principe de l’expertise, ni en limiter la portée, ni imposer son propre expert, ni exercer des pressions sur le CSE.

 

Les arguments souvent avancés — coût trop élevé, mission redondante, informations déjà communiquéesn’ont aucune valeur juridique s’ils ne sont pas rapidement portés devant le juge.

Le CSE décide seul du recours à un expert et du choix du cabinet, dès lors que la consultation entre dans un cadre légal.

« L’expert-comptable du CSE n’est pas une option : la loi le prévoit justement pour faire gagner du temps aux élus et leur permettre de se concentrer sur l’essentiel : représenter les salariés.»
Renaud Negre, Expert-comptable spécialisé CSE – Soxia

Comprendre, anticiper, agir : la valeur ajoutée de l’expert du CSE

Au-delà du cadre légal, l’intervention d’un expert-comptable permet au CSE de :

  • comprendre la situation financière ou sociale réelle de l’entreprise,
  • identifier les signaux faibles avant qu’une crise n’éclate,
  • et appuyer ses avis sur une analyse indépendante et chiffrée.

L’expertise donne une vision transversale et pluriannuelle de l’entreprise, indispensable pour argumenter lors des consultations obligatoires.
Sans expert, le CSE subit les décisions de la direction sans analyse objective : c’est une perte stratégique pour les élus.

Comment réussir la consultation sur la situation économique et financière ? Découvrez pourquoi elle est importante.

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Quand la mission de l’expert-comptable du CSE est à la charge de l’entreprise ?

Le financement de l’expertise du CSE est strictement encadré par le Code du travail.

Les articles L. 2315-80 et L. 2315-81 définissent les cas où l’employeur doit prendre en charge la totalité du coût de l’expert-comptable mandaté par le comité.

Dès lors qu’une expertise entre dans le champ de ces dispositions (aucun refus de l’employeur n’est possible) ou dans ceux où le financement est partagé avec le budget de fonctionnement du CSE.

Conditions à respecter pour la prise en charge

Pour garantir la légalité de la prise en charge, l'entreprise doit :

  • disposer d’un effectif d’au moins 50 salariés et donc un CSE dit « élargi » (article L. 2312-2),

  • adopter deux délibérations en réunion (vote formel sur la désignation et le choix du cabinet),

  • et vérifier que la mission correspond à un cas expressément prévu par le Code du travail.

Une fois ces conditions réunies, l’employeur ne peut contester le financement qu’en saisissant le tribunal judiciaire dans les dix jours (article L. 2315-86).

Quelles sont les consultations obligatoirement à la charge de l’entreprise ?

Dans le cadre des consultations annuelles obligatoires, le coût de l’expert-comptable est intégralement supporté (100 %)  par l’entreprise dans le cas de la :

  • Consultation sur la situation économique et financière,

  • Consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.

L'assistance à un PSE est 100 % à la charge de l'employeur.

Références : articles L. 2315-80 et L. 2315-81 du Code du travail.

Ces missions légales sont considérées comme essentielles à la représentation collective du personnel : leur financement par l’employeur est une garantie d’indépendance du CSE.
L’entreprise ne peut donc ni refuser, ni limiter la prise en charge, ni les partager financièrement.

Les missions à financement mixte : les CSE doivent connaître les cas de figure

Certaines missions dites “à financement mixte”, où les frais sont partagés entre le budget de fonctionnement du CSE et l’employeur (art. L. 2315-80) :

  • l’employeur finance 80 % du coût de l’expertise,
  • le CSE finance 20 % sur son budget de fonctionnement.

Cela concerne notamment :

  • la consultation sur les orientations stratégiques 
  • le droit d’alerte économique,
  • les opérations de concentration,
  • les offres publiques d’acquisition (OPA), etc.

Mais le législateur a prévu une exception importante pour éviter qu’un CSE dépourvu de moyens financiers ne soit privé de son droit à expertise.

L’exception légale au financement mixte : quand l’employeur paie 100 %

Mais une exception légale existe, prévue par l’article L. 2315-80, alinéa 3 :

« Par l’employeur concernant les consultations mentionnées au 2° du présent article, lorsque le budget de fonctionnement du comité social et économique est insuffisant pour couvrir le coût de l’expertise et n'a pas donné lieu à un transfert d'excédent annuel au budget destiné aux activités sociales et culturelles prévu à l'article L. 2312-84 au cours des trois années précédentes. »

En clair :
Si le CSE n’a pas les moyens de financer sa part de 20 %, et qu’il n’a pas transféré 10 % de l’excédent de son budget de fonctionnement vers le budget des activités sociales et culturelles au cours des trois dernières années, alors l’employeur doit prendre en charge la totalité du coût de l’expertise.

Ce qu’il faut retenir pour les élus :

  • Cette exception ne concerne que les missions à financement mixte (orientations stratégiques, droit d’alerte, concentration, OPA).

  • Elle ne s’applique pas aux deux consultations obligatoires, déjà intégralement prises en charge par l’employeur (situation économique et financière et la politique sociale).

  • Elle protège les CSE en difficulté budgétaire : aucune entreprise ne peut leur refuser une expertise pour des raisons financières.

 

« Même un CSE sans marge de manœuvre financière conserve son droit à expertise. La loi impose alors à l’employeur de financer la totalité du coût. »
Jérôme Pennaneac’h, Responsable juridique – Soxia

Savoir dans quel cas de figure vous êtes, évitera toute contestation de l'employeur.

Bon réflexe : vérifiez votre situation budgétaire et les transferts avant chaque expertise

Si votre CSE n’a pas transféré d’excédent depuis trois ans et que le budget de fonctionnement est insuffisant, vous pouvez demander la prise en charge totale par l’employeur.

Vérifiez votre cas avec un juriste de Soxia, sans engagement.

Illustration, quelques jurisprudences : la position constante des tribunaux

Pour aller plus loin : la jurisprudence confirme sans ambiguïté que l’employeur ne peut pas s’opposer à la désignation d’un expert-comptable par le CSE.

Depuis trente ans, la jurisprudence confirme : le recours à un expert-comptable est un droit incontestable.

Ces décisions sont essentielles à connaître : elles renforcent la légitimité des élus face à un refus ou une contestation abusive.

Le rappel constant de la Cour de cassation : l'employeur ne peut pas s'opposer à la désignation d’un expert-comptable.

Doit être cassé l'arrêt qui, pour retenir la faute lourde à l'encontre d'un salarié, directeur général adjoint, relève notamment que l'intéressé n'avait pas exécuté le Télex émanant de sa direction lui demandant de ne pas donner suite à la mesure d'expertise décidée par le comité d'entreprise, alors que le président du comité n'a pas le pouvoir de s'opposer à la décision du comité de désigner un expert. (Cass. soc., 12 mars 1991, n° 89-41.941, cassation, BC V n° 129).

La liberté du CSE dans la désignation de l’expert

Le comité d'entreprise n'est pas obligé de désigner l'expert comptable lors de la réunion d'information au cours de laquelle les comptes lui sont présentés.  Cass. soc. 15 décembre 2009, n° 08-17.722, rejet, BC V n° 285.

Cela signifie que le CSE peut décider de recourir à un expert même après la présentation des comptes : la désignation n’a pas besoin d’être simultanée à la réunion d’information.

Cette souplesse protège la capacité du comité à agir en toute connaissance de cause.

Attention : depuis la création des 3 consultations annuelles obligatoires (2015), ne pas perdre trop de temps entre la présentation et la nomination d'un expert-comptable.

Le droit d’examiner les comptes après leur validation

Le fait que l'assemblée générale des actionnaires ait statué sur les comptes de l'année en cours, avant que le comité d'entreprise ait pu donner son avis, ne saurait priver ce comité de son droit de procéder à l'examen annuel des comptes et de nommer, pour ce faire, un expert comptable. Cass. soc., 2 mars 1993, n° 90-12.868, cassation, BC V n° 74.

Autrement dit : l’expertise du CSE doit se faire après l’approbation des comptes. Le droit d’expertise du comité prime sur le calendrier de gestion de l’entreprise.

Analyse et enseignements pour les élus du CSE

Ces décisions forment une jurisprudence constante :

  • Le CSE décide librement du recours à un expert-comptable.

  • L’employeur ne dispose pas d’un droit de veto, sauf à saisir le juge judiciaire selon la procédure encadrée de l’article L.2315-86.

  • Le moment de la désignation ne limite pas le droit à expertise : le CSE peut mandater un expert après la présentation ou l’approbation des comptes.

 

En pratique :
Ces décisions peuvent être citées par les élus lorsqu’un employeur conteste une désignation.
Elles constituent une base solide de légitimité pour faire valoir vos droits lors des échanges avec la direction.

Le cas plus complexe : la situation économique et financière de l’établissement

Le principe : dès lors qu'un établissement, au sein d'une entreprise, est doté d'un CSE d'établissement, ce dernier peut se faire assister d'un expert-comptable pour l'examen des comptes annuels de cet établissement. On peut supposer que cette possibilité existe encore dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière de l'entreprise.

La Jurisprudence s’est souvent prononcée sur ce sujet :

Le comité d'établissement d'une succursale d'une société, qui avait décidé de se faire assister d'un expert comptable en vue de l'examen annuel des comptes de la succursale pour l'année 1996, avait fait assigner la société pour qu'il soit statué sur la nécessité du recours à l'expert comptable, lequel n'avait pu exécuter sa mission à la suite du refus opposé par le directeur de la succursale. Les comités d'établissement ont les mêmes attributions que les comités d'entreprise dans les limites des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements et alors qu'en l'espèce, la succursale était un établissement distinct doté d'un comité d'établissement, ce dont il résultait que ce dernier pouvait se faire assister d'un expert comptable pour l'examen des comptes annuels de cet établissement.  Cass. soc. 14 décembre 1999, n° 98-16.810, cassation, BC V n° 487 ou encore cass. soc. 11 mars 1992, n° 89-20.670, rejet, BC V n° 176.

Après avoir rappelé que, dans le cadre des accords collectifs ayant institué une unité économique et sociale, le caractère d'établissement distinct avait été reconnu à une société dotée d'un comité d'établissement, que le comité d'établissement était doté des mêmes pouvoirs que le comité d'entreprise dans la limite des pouvoirs confiés au chef d'établissement et que l'autonomie de cette société, qui gardait sa personnalité juridique, justifiait un examen spécifique de ses comptes, une cour d'appel a exactement décidé que, nonobstant la désignation d'un expert comptable par le comité central d'entreprise pour procéder à l'examen des comptes globaux de l'UES, le recours à un expert comptable par le comité d'établissement de la société en vue de l'examen annuel des comptes était justifié.  Cass. soc. 28 novembre 2007, n° 06-12.977, rejet, BC V n° 199 ainsi que cass. soc. 23 mars 2011, n° 09-67.512, rejet.

Les seuls cas de contestation par l’employeur : le cadre et les délais légaux (article L.2315-86)

Il s’agit des seuls cas de contestation au tribunal de l'employeur.

Contestation de l’expertise CSE : les seuls cas où l’employeur peut saisir le juge

Sauf dans le cas prévu à l’article L. 1233-35-1, l’employeur ne peut pas « refuser » l’expertise : il doit saisir le juge judiciaire dans un délai réglementaire pour contester uniquement :

  • la nécessité de l’expertise (contre la délibération du CSE) ;

  • le choix de l’expert (contre la désignation) ;

  • le coût prévisionnel, l’étendue ou la durée (après notification du cahier des charges / L. 2315-81-1) ;

  • le coût final (après notification du coût final).

Pour les cas 1° à 3°, le juge statue en procédure accélérée sous 10 jours. Cette saisine suspend la décision du CSE et les délais de consultation (L.2312-15).
En cas d’annulation définitive de la délibération, les sommes perçues par l’expert sont remboursées à l’employeur (le CSE peut décider d’en assumer la charge).
Ces dispositions s’appliquent aux demandes introduites depuis le 1er janvier 2020.

Bon réflexe CSE : consigner vote, notification, cahier des charges et délais pour sécuriser toute contestation et éviter une suspension inutile de l’expertise.

Très souvent les directions contestent plusieurs éléments : le prix journalier, le nombre de jours d'intervention, le périmètre de la mission (comptes consolidés, périmètre des sociétés du groupe...), les demandes spécifiques des élus en dehors du champ de mission, un seul vote...

A savoir : l'employeur attaque le CSE et l'expert-comptable.

Les motifs de contestation les plus fréquents : retour d’expérience

Dans la pratique, certaines directions contestent l’expertise du CSE en saisissant le juge judiciaire.
Ces recours ne remettent pas en cause le droit fondamental du comité, mais cherchent le plus souvent à en limiter la portée, le coût ou le calendrier.


Les principaux motifs de contestation rencontrés sont :

  • Le prix journalier jugé “trop élevé” ou un nombre de jours d’intervention considéré par la direction comme excessif ;

  • Le périmètre de la mission, notamment lorsque l’expertise porte aussi sur les comptes consolidés ou certaines filiales du groupe (jurisprudence constante : les juges valident cette approche élargie) ;

  • Des demandes complémentaires des élus au-delà du cadre légal, ou un démarrage de la mission avant la délibération officielle du CSE (avec un risque que le comité ne nomme pas d’expert-comptable) ;
  • Une désignation par un seul vote, alors que deux sont obligatoirement attendus :
    1- un vote sur le principe du recours à l’expertise,
    2- un vote distinct sur le choix du cabinet ;
  • Un vote trop tardif ou un vote en réunion préparatoire (sans valeur juridique) ;

  • L’existence d’un accord collectif fixant une périodicité différente pour les consultations (tous les deux ou trois ans – article L. 2312-19),

  • Ou un accord de groupe prévoyant que les orientations stratégiques soient traitées au niveau du groupe (article L.2312-20).

Bon à savoir :

Aucun de ces cas ne supprime le droit du CSE à se faire assister par un expert-comptable.
En revanche, ils imposent une vigilance juridique et formelle accrue pour éviter une suspension ou une annulation par le juge.

En pratique :

  • Une délibération claire,

  • Un cahier des charges précis,

  • Et une vérification des accords collectifs en vigueur

permettent d’éviter la grande majorité des contentieux.
En dehors de ces situations formelles, les autres contestations ne sont souvent qu’une pression exercée sur les élus.

Si la direction ne saisit pas le tribunal judiciaire dans les dix jours suivant la délibération (article L.2315-86), elle perd le droit de contester : le recours devient définitif.

« Les directions qui contestent cherchent rarement à éviter la loi — elles cherchent à en tester les limites. Le rôle du CSE, est de se former pour les connaître et mieux les anticiper. »
Jérôme Pennaneac’h, Responsable juridique – Soxia

Astuce pratique : Avant chaque mission d’expertise, vérifiez :

• l’existence d’un accord collectif modifiant la fréquence des consultations ;
• la clarté du périmètre de mission dans votre délibération CSE ;
• le vote formel du comité (principe + choix du cabinet).

Ces réflexes simples évitent 70 % des contentieux liés à la contestation d’expertise.

📘 Modèle de délibération conforme : évitez toute contestation

Sécurisez votre prochaine expertise CSE avec un modèle de délibération conforme au Code du travail. Respectez les obligations légales (articles L.2315-81 à L.2315-86) et évitez les annulations ou suspensions par le juge judiciaire.

Les sanctions en cas de refus de l’employeur

En dehors de l'article L. 2315-86, le refus par l’employeur de permettre au CSE de mandater un expert-comptable dans le cadre des consultations légales constitue une violation du Code du travail (refuser de le mettre à l'ordre du jour, empêcher le vote en séance, obliger le vote d'un expert-comptable proposé par l'employeur...).


Ce refus est assimilé à un délit d’entrave au fonctionnement régulier du CSE. Il est aussi possible de saisir le tribunal judiciaire.

Le délit d’entrave : une infraction pénale

L’article L. 2317-1 du Code du travail punit toute entrave au fonctionnement du CSE, qu’elle soit directe (refus explicite) ou indirecte (retard, limitation, contestation abusive).

⚖️ “Le fait d'apporter une entrave à la constitution du comité social et économique, à la libre désignation de ses membres, à son fonctionnement régulier ou à l'exercice de ses attributions est puni d'une amende de 7 500 euros.”

Concrètement :
Refuser la désignation d’un expert-comptable, ignorer une délibération du CSE ou refuser la transmission des informations nécessaires à la consultation peut entraîner :

  • une amende pénale,

  • et, dans les cas les plus graves, une condamnation pour délit d’entrave devant le tribunal correctionnel.

A noter : la jurisprudence est claire, l'employeur ou son représentant n'a pas à participer au vote.

Autre point de contestation des élus : est-ce que la BDESE est complète et à jour ?

Ne vous laissez pas dicter votre conduite par des dirigeants qui ne veulent pas d’un expert-comptable mandaté par le CSE… de toute façon, ils trouveront toutes les justifications pour vous décourager.

Recours du CSE : le tribunal judiciaire

Le CSE dispose d’un recours spécifique : il peut saisir le tribunal judiciaire en procédure accélérée.
Ce tribunal est compétent pour :

  • ordonner à l’employeur de respecter la décision du CSE

  • autoriser ou confirmer la mission de l’expert-comptable,

  • et, le cas échéant, sanctionner le refus de la direction.


Ne pas oublier : l’employeur ne peut pas bloquer l’expertise, s'il n'est pas d'accord, il doit saisir le juge dans le cadre de l'article L. 2315-86.
En cas de manquement, la demande du CSE est prioritaire et le juge statue sous 10 jours.

Les fausses contestations de l’employeur : ce que disent vraiment la loi et les juges

Dans la pratique, beaucoup d’employeurs avancent des arguments infondés pour tenter de retarder ou de limiter l’expertise du CSE.
Ces arguments, pourtant déjà tranchés par la jurisprudence, visent à intimider les élus ou réduire la portée de la mission de l’expert-comptable.

Voici les principales fausses affirmations que les juges ont déjà écartées :

1. « L’expert-comptable ne peut pas remonter sur 3 ans » — Faux

La Cour de cassation a confirmé que l’expert du CSE peut analyser les données sur plusieurs exercices pour comprendre l’évolution et établir des comparaisons utiles.

📚 Cass. soc., 1er juin 2023, n°21-23.393 : l’employeur ne peut limiter l’analyse à un seul exercice ; la Cour de cassation rappelle que l’article R. 2312-10 du code du travail prévoit que les informations figurant dans la Base de données économiques et sociales portent sur l’année en cours, sur les deux années précédentes et, telles qu’elles peuvent être envisagées, sur les trois années suivantes.

En pratique : il est légitime de remonter sur 3 ans pour analyser les tendances financières, sociales et stratégiques.

2. « L’expert-comptable ne peut pas demander les documents prévisionnels » — Faux

L’expert peut consulter tous les éléments utiles, y compris les prévisions et budgets à venir.

📚 Article L. 2312-25 du Code du travail : "les informations sur l'activité et sur la situation économique et financière de l'entreprise ainsi que sur ses perspectives pour l'année à venir".

En pratique : l’analyse prévisionnelle fait partie intégrante de la consultation sur la situation économique et financière.

3. « L’expert-comptable ne peut pas demander les comptes de la société mère » — Faux

Si l’entreprise appartient à un groupe, les comptes consolidés ou ceux de la société mère doivent être communiqués dès lors qu’ils influencent la situation de la filiale.

📚 Cass. soc., 5 mars 2008, n° 07-12754 et Cass. soc., 27 nov. 2001, n° 99-21903 : Ces arrêts (il en existe d'autres) renforcent le rôle de l’expert‐comptable désigné par le comité : celui‐ci dispose d’un pouvoir large pour demander la communication de documents, y compris ceux établis par d’autres entités du groupe, si ceux‐ci paraissent nécessaires à sa mission.

En pratique : la situation du groupe impacte directement les décisions locales, donc l’accès à ces données est un droit.

4. « L’expert-comptable ne peut pas demander les comptes des filiales sœurs » — Faux

Les juges ont admis que les comptes des filiales du même groupe peuvent être utiles pour comprendre la répartition des activités, marges ou flux financiers.

📚 Cass. soc., 5 mars 2008, n° 07-12754 et Cass. soc., 27 nov. 2001, n° 99-21903

En pratique : l’expert peut exiger les comptes consolidés ou les éléments de comparaison entre entités du groupe.

5. « L’expert-comptable n’a pas accès à la base de données sociale » — Faux

L’expert-comptable du CSE dispose des mêmes droits d’accès à la BDESE que les élus (article L. 2312-18).
Il peut y consulter les indicateurs sociaux, égalité, emploi, formation, rémunérations…

📚 Article R. 2312-5 et s. du Code du travail : la BDESE contient l’ensemble des données servant aux trois consultations obligatoires, donc à la mission de l’expert.

En pratique : refuser cet accès est une entrave au droit d’expertise.

6. « L’expert a 15 jours pour écrire son rapport » — Faux

Aucune durée précise n’est fixée par la loi.
Le délai global de la consultation est de 2 mois (articles R. 2312-6 et L. 2312-15), mais il peut dépendre aussi de la date de transmission complète des informations par la direction.

📚 L'article R. 2315-47 prévoit que l'expert-comptable a 1,5 mois pour rédiger son rapport.

En pratique : les 15 jours sont un mythe ; le délai se compte à partir de la mise à disposition réelle des documents.

7. « Pas besoin de rapport écrit : ça fera baisser les honoraires » — Faux et dangereux

Le rapport écrit de l’expert est obligatoire : il matérialise l’analyse indépendante et fonde l’avis du CSE.
Sans rapport, l’expertise est juridiquement incomplète et l’avis du comité peut être contesté.

📚 Article L. 2315-85 et R. 2315-47 : le CSE doit recevoir un rapport.

En pratique : une simple présentation orale ou simplifiée met en risque la légalité de la consultation.

8. « Nous ne faisons pas d’orientations stratégiques à 3 ans » — Faux (même pour les sociétés cotées)

La consultation sur les orientations stratégiques (article L. 2312-24) s’appuie justement sur une projection à 3 ans.
Même si la direction n’a pas formalisé de plan écrit, elle doit présenter les éléments permettant cette discussion.

📚 Le défaut de transmission d’informations stratégiques constitue une entrave à la consultation.

En pratique : aucune entreprise ne peut se soustraire à cette obligation. De plus, toutes les sociétés cotées communiquent sur les orientations stratégiques.

Important pour le CSE : sécuriser la désignation pour éviter les contestations

Pour éviter toute remise en cause de la désignation de l’expert-comptable, le CSE doit :

  1. Inscrire la désignation à l’ordre du jour de la réunion (ordinaire ou extraordinaire).

  2. Procéder à un vote formel à la majorité des membres présents (l'employeur ne vote pas).

  3. Rédiger deux délibérations claires mentionnant :

    • la mission (“expertise dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière”) / vote à la majorité du CSE

    • Soxia : le nom du cabinet qui va réaliser l'intervention / vote à la majorité du CSE

  4. Inscrire la décision dans le PV de réunion du CSE 

  5. Réalisez un cahier des charges avec l'expert-comptable avec le coût prévisionnel, l'étendue et la durée d'expertise (L. 2315-81-1).

Important : ne réaliser qu'un seul vote rend la nomination contestable au tribunal.

Ce formalisme protège le CSE : une désignation régulière ne peut pas être bloquée par la direction, sauf dans les cas prévus à l’article L. 2315-86.

En conclusion :

Le recours à un expert-comptable n’est ni une faveur ni une dépense superflue : c’est un droit fondamental reconnu par la loi.
Les articles L. 2312-17 à L. 2312-36 et L. 2315-78 à L. 2315-86 encadrent clairement les conditions, le financement et les contestations possibles.
La loi encadre strictement le recours : seul une saisine du juge, dans les dix jours, est possible.

Pour les élus du CSE, l’expert-comptable est un allié stratégique :
il traduit les chiffres, met en lumière les décisions clés, sécurise les consultations et renforce la crédibilité du comité face à la direction.
Sans lui, le CSE agit dans le brouillard ; avec lui, il comprend, anticipe et défend les intérêts des salariés sur des bases solides.

« L’expert-comptable du CSE n’est pas une option : la loi le prévoit justement pour faire gagner du temps aux élus et leur permettre de se concentrer sur l’essentiel — représenter les salariés. »
Renaud Negre, Expert-comptable spécialisé CSE – Soxia

Bon réflexe : faire valoir ses droits, sans blocage

  • Vérifiez vos droits : chaque consultation légale donne accès à l’expertise.

  • Formalisez votre décision : délibération, vote, cahier des charges.

  • Anticipez les objections : en cas de contestation, la loi est de votre côté.

Soxia accompagne chaque année des centaines de CSE pour sécuriser la désignation de leur expert-comptable, préparer les consultations et renforcer leur pouvoir d’analyse.


Ne pas oublier : l’employeur ne peut pas bloquer l’expertise, il doit obligatoirement saisir le juge s’il veut contester... tout le reste n'est que de la déstabilisation.

Pour aller plus loin : nos fiches pratiques

Approfondissez vos connaissances sur les sujets clés du mandat d’élu sur des sujets proches de la consultation et l'avis sur la situation économique et financière de votre entreprise.

FAQ - Foire aux questions










Pour aller plus loin

Vous pouvez consulter les pages suivantes de notre site internet en lien avec le sujet :

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