Le délit d’entrave est une infraction pénale qui vise à protéger le fonctionnement des institutions représentatives du personnel (IRP) et le droit syndical. Il vise à garantir le respect du dialogue social en sanctionnant les employeurs qui y portent atteinte.
Sommaire
Qu'est-ce que le délit d'entrave au CSE ?
L'article L2317-1 du Code du travail définit le délit d'entrave comme le fait de porter atteinte ou de tenter de porter atteinte à la constitution ou au fonctionnement régulier du CSE. Cela inclut :
- L'atteinte à la mise en place de l'instance (ex: non-organisation des élections à l'instar d'une société de transport aérien domiciliée en Irlande).
- L'atteinte aux attributions de l'instance.
- L'atteinte à l'exercice régulier des fonctions des membres du CSE.
Quand y a-t-il délit d'entrave ?
Pour qu'un délit d'entrave soit constitué, deux éléments doivent être réunis :
- L’élément matériel du délit est constitué par tout acte contraire à la loi (décision ou interdiction) ou toute omission d’une obligation (non-consultation, non-convocation, non-versement des budgets).
- L'élément intentionnel de l’infraction résulte du caractère volontaire de l’acte ou de l’omission.
Il faut savoir que la prétendue méconnaissance du droit n'est pas une excuse. « Je ne savais pas » ou « Loin de moi l'intention de » ne sont pas admis. Certaines directions déploient une créativité remarquable au service de la mauvaise foi.
Qui est l'auteur de l'infraction ?
L'auteur de l'infraction est principalement l'employeur ou son représentant, c’est-à-dire une personne qui a reçu une délégation de pouvoir (souvent le Directeur des ressources humaines ou des relations sociales). Plus rarement un élu du CSE lui-même avec notamment en engageant des dépenses n'ayant pas fait l'objet d'un vote majoritaire (en savoir plus sur l'utilisation des budgets).
Une circonstance peut être reconnue par les juges pour écarter la culpabilité de l’auteur de l’infraction : c’est ce que l’on appelle un fait justificatif. Ce sont des circonstances exceptionnelles ou un cas de force majeur qui contraint l’employeur de ne pas respecter une règle. C’est toutefois extrêmement rare en matière de délit d’entrave. Certains tentent de faire valoir l'erreur de droit mais elle est inopérante : « nul n'est censé ignorer la loi » surtout les RH...
Exemples de délits d'entrave au fonctionnement du CSE
Les situations pouvant constituer le délit d’entrave au fonctionnement régulier du CSE, prévu et réprimé par l’article L. 2317-1 du Code du travail, sont nombreuses et variées. Voici quelques exemples flagrants tirés de la jurisprudence :
- Consultations obligatoires : Prendre une décision définitive sur un projet d'externalisation avant d'informer et de consulter le CSE (Chambre criminelle, 30 mars 2021, n°20-81.030). Le non-respect de cette obligation, fondamentale au sens où c'est l'utilité même du CSE qui est en jeu, est logiquement constitutif d'une entrave. Mais attention, bien que sanctionnable au plan pénal, le défaut d'information-consultation du CSE sur un projet ne met pas en cause l'opposabilité de la mesure aux salariés (Chambre sociale 12 février 2025 n° 23-19.821 FS-B).
- Informations : Refuser de communiquer au CSE les informations nécessaires à ses missions, comme les documents relatifs à la situation économique et financière (Chambre criminelle, 23 octobre 2007, n°06-86.458).
- Moyens et ressources : S'abstenir de verser au CSE la subvention de fonctionnement, exercer des pressions et des menaces sur les élus qui en réclament le versement et refuser de remettre au CSE les documents lui permettant de vérifier qu'il a effectivement versé le montant qu'il prétend avoir réglé... (oui, cet arrêt existe : chambre criminelle, 15 mars 2016, n°14-87.989).
- Réunions : Refuser d'organiser une réunion extraordinaire du CSE pourtant régulièrement sollicitée à la majorité de ses membres (Chambre criminelle, 11 mars 2008, n° 07-80.169). Établir l'ordre du jour de la réunion seul (Chambre criminelle, 4 septembre 2018, n°17-82.297).
- Discrimination : Exercer des pressions ou des représailles à l'encontre d'un membre du CSE en raison de son mandat. Pousser à la démission les élus du CSE (Chambre criminelle, 28 janvier 2003, n°02-80.119).
Le fait d'informer l’ensemble du personnel au lieu de consulter le comité est un exemple courant de délit d'entrave (Chambre criminelle, 28 novembre 1995, n°93-85.808.). L'objectif est de troubler profondement le fonctionnement du CSE en instillant un sentiment d'inutilité puis un désengagement.
Quelles sont les sanctions du délit d'entrave ?
Les sanctions d'ordre pénal constituent une garantie de l’effectivité du droit du travail en jouant un rôle dissuasif essentiel dans la prévention des infractions. L'employeur, personne physique, encourt une amende de 7 500 €. Une peine d’un an d’emprisonnement est prévue en cas d’entrave à la constitution des institutions représentatives du personnel ou à la libre désignation de leurs membres. La personne morale (l'entreprise) peut être condamnée à une amende pouvant atteindre 37 500 € (article 131-38, alinéa 1, du Code pénal).
Comment faire constater un délit d'entrave ?
Pour faire constater un délit d'entrave, la première étape est souvent de saisir l'Inspection du travail. L’agent de contrôle de l’inspection du travail peut constater l'infraction et dresser un procès-verbal qu'il transmettra au procureur de la République en application de l'article L8113-7 du Code du travail. Le CSE peut également décider d'agir directement.
Procès-verbaux dressés par l'Inspection du travail
Source : Rapport de l'Inspection du travail 2023 (publié en 2025)
L'action en justice du CSE pour délit d'entrave
En fonction de l’ampleur de l’entrave constatée et avant de judiciariser le conflit, il est préférable de tenter de le résoudre avec l'employeur. Le CSE peut interpeller formellement l’employeur en réunion plénière, soit par l’inscription d’un point à l'ordre du jour soit via une résolution du CSE. Si le dialogue n’aboutit pas, envoyez un courrier recommandé. Cet écrit détaille précisément les faits d’entrave reprochés et enjoint l’employeur à cesser l'entrave dans un délai raisonnable. Solliciter parallèlement l'Inspection du Travail peut contribuer à éteindre le contentieux.
Si le CSE entend poursuivre en correctionnelle l’employeur pour délit d’entrave, il faut que cette question soit inscrite à l’ordre du jour. Il ne suffit pas que, au titre des « questions diverses », les élus titulaires présents donnent mandat à l’unanimité au secrétaire du CSE pour faire une citation directe. Avant toute action, le recours à un avocat spécialisé et rompu à l'exercice apparaît évident pour constituer un dossier solide (procès-verbaux de réunion, courriels, résolutions...).
Quel est le délai de prescription ?
Le délai de prescription pour engager des poursuites pénales est de 6 ans à compter du jour où l'infraction a été commise (article 8 du Code de procédure pénale). Son point de départ varie selon que le délit d’entrave correspond à une infraction instantanée ou d'une infraction continue.