L’action des CHSCT n’est pas nouvelle mais prend actuellement un tour plus prononcé renforçant ainsi les tendances actuelles de les faire intervenir comme moyen de blocage important sur la mise en œuvre des projets.[1]
On avait déjà apprécié la mise en place d’une sorte de « droit d’alerte judiciaire » conféré aux CHSCT (et maintenant aux CSE) pour les projets risquant de compromettre la santé et la sécurité des salariés » [2] dans le désormais célèbre arrêt « SNECMA ». Dans cet arrêt, la Cour de cassation avait expressément indiqué « que l'employeur est tenu, à l'égard de son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs ; qu'il lui est interdit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés. » [3]
Cependant la montée en puissance de la notion jurisprudentielle d’obligation de sécurité de résultat pour les employeurs notamment dans le domaine de l’appréhension et de l’évaluation des risques psycho-sociaux vient de connaître une accélération par l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 13 décembre 2012 opposant une partie des CHSCT et les sociétés SA FNAC et SAS Relais FNAC [4] .
La Cour d’appel de Paris a ordonné la suspension de la mise en œuvre du projet de réorganisation de la FNAC. Cette affaire est un parfait condensé des nouvelles attentes en matière de lien entre les réorganisations et la santé au travail et des nouveaux points de blocage utilisé par les CHSCT dans les processus de réorganisation
De manière synthétique tant les débats judiciaires furent nombreux et intenses, la SA FNAC, invoquant un contexte économique dégradé et la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise compte tenu de l'évolution du secteur de la distribution de biens culturels et de loisirs, notamment par l'essor du commerce par internet et les mutations technologiques, a remis le 13 janvier 2012 au Comité d'entreprise une note d'information sur le projet accompagné d'un Plan de sauvegarde de l'Emploi (PSE), lequel devait conduire à des suppressions de postes, principalement dans les filières des ressources humaines, des services financiers et de la communication, en vue de rationaliser les coûts. En parallèle, les différents CHSCT étaient également consultés. Dans ce cadre, des expertises étaient diligentées par les CHSCT qui concluaient toutes au constat de « carences de l'entreprise dans l'évaluation quantitative des transferts de charge de travail induits par la réorganisation en cause… ».
En cours de procédure, l’employeur transmettait également aux CHSCT une note complémentaire sur la même analyse de transfert des charges aux salariés restant et incluant une partie " prévention des risques psycho-sociaux ", par laquelle il déclarait estimer qu'il n'avait à évaluer que de façon générale les risques dans le cadre de la mise à jour du document unique d'évaluation des risques, contestant tout risque psycho-social, et organisant deux mesures d'accompagnement des salariés, à savoir un numéro d'appel téléphonique pour les managers pour aider leurs collaborateurs et un autre numéro pour les collaborateurs désireux d'échanger.
Par un jugement en date du 18 septembre 2012, le tribunal de grande instance (TGI) de Créteil, alors que certains CHSCT et syndicats s'étaient désistés de leurs actions, a débouté les demandeurs, dont les 8 CHSCT susvisés, aux motifs qu'ils ne démontraient pas, à ce stade, notamment au vu des différents rapports d'expertise produits, que l'évolution des postes des directeurs de magasin (DM), des responsables des ressources humaines et des responsables financiers, comportait un risque avéré, mettant en danger la santé des personnels, le tribunal estimant que les demandeurs ne tenaient pas compte dans leurs analyses de la mutualisation ou de l'allégement de certaines tâches et que le risque de surcharge de travail sur certains postes supports ne pouvait être considéré comme relevant de la qualification de risque psycho-social avéré.