1- Phase 1 – Détection & questionnement : comment déclencher le droit d’alerte économique du CSE ?
1.1- Pourquoi utiliser le droit d’alerte économique du CSE ?
Encore trop peu utilisé, le droit d’alerte économique du CSE est un outil puissant à la disposition des élus pour questionner la direction sur des faits préoccupants. Il s’agit d’une procédure formelle, encadrée par le Code du travail, qui oblige l’employeur à répondre.
La clé du droit d’alerte, c’est l’obligation de réponse. Contrairement aux simples questions orales en réunion "classique", ici la direction ne peut pas éluder ou différer.
1.2- Quelle est la différence entre des questions en réunion CSE et des questions en droit d’alerte ?
Lors d’une réunion classique du CSE, poser des questions peut se heurter à deux limites :
- la direction peut invoquer un manque de préparation pour différer sa réponse,
- les réponses restent souvent évasives ou sans suite.
Avec le droit d’alerte économique, la direction entre dans une procédure officielle. En cas de non-réponse, le CSE peut passer à l’étape suivante : le recours à un expert. Cette possibilité pousse l’employeur à répondre sérieusement et rapidement.
Par ailleurs, la notion de “droit d’alerte” est perçue comme alarmante par de nombreuses directions. Cela les incite à répondre vite et précisément, pour éteindre la procédure dès la phase 1.
La meilleure de tout arrêter est de répondre précisément aux questions des élus du CSE.
1.3- Quels faits peuvent déclencher le droit d’alerte économique du CSE ?
Le CSE peut activer la procédure de droit d’alerte économique dès qu’il identifie des faits préoccupants, au sens de l’article L.2312‑63 du Code du travail. Ces faits peuvent affecter :
- la situation économique de l’entreprise,
- l’emploi,
- ou sa santé financière.
Ces signaux ne se limitent pas aux comptes ou bilans : ils peuvent inclure :
- des décisions stratégiques inquiétantes,
- la suppression de postes,
- des pertes de contrats importants,
- ou toute information laissant craindre une mise en péril de l’activité.
Dans ce cas, le CSE peut exiger de l’employeur des réponses claires à des questions précises, dans un cadre légal contraignant.
Le CSE reste seul juge de la gravité des faits. Il peut donc déclencher le droit d’alerte même sur la base :
- de remontées internes (salariés non élus),
- de signaux faibles ou de bruits de couloir,
- ou d’informations incomplètes mais préoccupantes.
L’important n’est pas la source, mais la nature préoccupante de l’information.
✅ Ces faits constituent le point de départ de la procédure de droit d’alerte économique du CSE.
🡆 Consultez ici la liste complète des éléments pouvant justifier un droit d’alerte économique.
2- Phase 1 – Déclencher officiellement le droit d’alerte économique : un formalisme obligatoire
La procédure de droit d’alerte économique doit suivre des étapes strictes. Un non-respect peut entraîner la nullité de l’alerte dès la phase initiale.
Pour être valide, la procédure suit trois phases successives :
- Phase 1 : Questions écrites posées à la direction,
- Phase 2 : Mandatement d’un expert-comptable par le CSE,
- Phase 3 : Saisine des organes dirigeants de l'entreprise
2.1- les étapes du droit d'alerte économique du CSE
L’article L.2312-63 du Code du travail encadre rigoureusement les étapes du droit d'alerte. Chacune doit être suivie sans omission.
La phase 1 – les questions écrites – est la plus fréquemment utilisée. Elle constitue le socle de la procédure et prépare la phase 2, à savoir l’intervention d’un expert-comptable CSE pour produire une analyse approfondie.
La phase 2 est une extension logique de la phase 1 : elle consiste à intégrer officiellement un expert pour donner plus de légitimité. Si les réponses de l'employeur ne sont pas jugées satisfaisantes ou confirment la gravité de la situation, le CSE peut décider de poursuivre la procédure.
La Phase 3 : Sur la base de ce rapport, le CSE peut décider de saisir les organes de gouvernance de l'entreprise (Conseil d’Administration, Conseil de Surveillance, associés, etc.) afin d’obtenir une réponse officielle et des explications supplémentaires sur la situation et les mesures éventuellement envisagées. Cette étape vise à alerter formellement la direction de l’entreprise et à obtenir des garanties ou des engagements
2.2- Phase 1 : poser officiellement les questions du CSE
2.2.1- Comment envoyer les questions du droit d’alerte à la direction ?
La première étape de la procédure consiste à transmettre à la direction des questions écrites formelles, liées à des faits préoccupants pouvant affecter l’entreprise.
Ce courrier doit être envoyé plusieurs jours avant une réunion plénière du CSE, afin de laisser à l’employeur un délai raisonnable de préparation. Sans ce délai, la direction pourrait répondre de manière incomplète ou différer la discussion voire ne pas répndre.
La formulation de la question est cruciale. Elle doit concerner des faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise. Le CSE doit s’assurer de la solidité des éléments avancés.
📌 Conseil d’expert : Il est fortement recommandé de se faire accompagner par un cabinet d’expertise-comptable spécialisé en CSE. Cela garantit le cadrage juridique de la procédure et la pertinence stratégique des questions posées.
2.2.2- Comment inscrire le droit d’alerte à l’ordre du jour du CSE ?
Conformément à l’article L.2312-63 du Code du travail, « cette demande [du droit d'alerte] est inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine séance du comité ».
Les questions du CSE doivent obligatoirement apparaître à l’ordre du jour de la prochaine réunion. La direction est alors tenue de répondre de manière précise et motivée, par écrit ou lors de l’échange.
Il est possible de répondre dans une réunion normale ou extraordinaire : tout va dépendre du calendrier.
Il est recommandé de laisser un délai minimum d’une semaine entre l’envoi des questions et la réunion, afin de permettre une réponse préparée et formelle.
Confidentialité : Pensez à préserver la discrétion autour du droit d'alerte. Évitez les fuites d’informations sensibles qui pourraient perturber les salariés ou l’environnement économique de l’entreprise (article L 2312-67 du Code du travail).
2.2.3- Qui doit répondre aux questions du CSE lors du droit d’alerte ?
Pour garantir des réponses utiles au droit d'alerte, il est fortement recommandé de solliciter la présence du Directeur Administratif et Financier (DAF) ou d’un dirigeant ayant une connaissance approfondie des données économiques. Un DRH seul peut ne pas disposer des éléments suffisants pour répondre de manière satisfaisante.
Le Code du travail oblige l’employeur à répondre aux questions du CSE et à désigner un représentant compétent pour participer à la réunion.
Jurisprudence sur le droit d’alerte : plusieurs décisions précisent que la direction ne peut pas éluder ses obligations, même si elle estime la situation “non préoccupante” :
- Cass. soc. 8-3-1995 n° 91-16.002 : ne peut pas, même s'il estime que la situation n'est pas préoccupante, refuser de fournir des explications dans un droit d'alerte.
- CA Paris, 13 juillet 1988, n° 88-9805 : il ne doit pas nier l’existence de difficultés, ni ignorer la demande du comité dans le cadre du droit d'alerte.
- L’employeur peut répondre sur la situation du groupe, même si la demande vise uniquement l’entreprise.
2.2.4- Réunion CSE : comment la direction doit-elle répondre au droit d’alerte ?
Il est essentiel de prévoir un temps de réponse suffisant en réunion. Ce moment est stratégique pour rassurer les élus de CSE et les salariés quant à l’avenir de l’entreprise.
Le droit d’alerte économique permet au CSE d’agir en amont, avant que la situation ne se détériore. Il peut signaler un risque sur la pérennité de l’entreprise et proposer des alternatives concrètes.
Par exemple, l'actualité a montré qu'une fermeture d’usine peut parfois être évitée via une reprise d’activité par un autre acteur. Le droit d’alerte peut jouer un rôle-clé dans ces retournements.
Les élus du CSE peuvent formuler des propositions en séance, et la direction a l’obligation de répondre aux questions posées dans le cadre légal.
⚠️ Attention : sans cette phase 1 formelle, la procédure de droit d’alerte peut être contestée ou déclarée invalide. Le CSE ne doit jamais mandater un expert-comptable sans avoir préalablement transmis ses questions par écrit à l’employeur.