Comment mettre en place et négocier l'intéressement des salariés ?

Toute entreprise, quelque soit son activité et sa forme juridique, peut mettre en place l’intéressement des salariés aux bénéfices. Cette mise en place est facultative et, contrairement à la participation des salariés aux bénéfices (pour plus d'information cliquez ici), aucune condition d’effectif n’est exigée. L’intéressement des salariés fait partie de l’épargne salariale qui comprend : la participation des salariés (cliquez ici), l'abondement, les plans d'épargne ... 

 

La mise en place d’un accord d’intéressement des salariés permet de verser une somme d’argent déterminée en fonction des performances de l’entreprise. Ce complément de rémunération ayant des cotisations faibles, coûte moins cher à l’entreprise. La durée de l’accord est de 3 ans mais peut être reconduit de façon tacite si une telle clause figure dans l’accord.

 

        SOMMAIRE

1- les principes de base de l'intéressement des salariés

En France, l'épargne salariale fait souvent l'objet de réformes, dont les dernières sont issues des lois nos 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, appelée aussi loi « Macron » et 2019-486 du 22 mai 2019 dite loi PACTE qui sécurise les exonérations de cotisations. La loi d'accélération et de simplification de l'action publique du 7 décembre 2020 complète ces réformes en modifiant un certain nombre de règles : durée de l'accord, à compter du 1er septembre 2021, transfert partiel du contrôle de légalité aux Urssaf , codification de la procédure d'adhésion d'un accord d'intéressement de branche soumis à agrément administratif...

Un caractère collectif de l’intéressement des salariés

Selon l'article L 3312-1 du code du travail : "L'intéressement a pour objet d'associer collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l'entreprise. Il s'agit d'un dispositif facultatif mis en place par accord qui  présente un caractère aléatoire et résulte d'une formule de calcul liée à ces résultats ou performances".

L'intéressement aux résultats ne peut constituer un droit acquis pour les salariés de l'entreprise. Il résulte la mise en place d'un accord, conclu nécessairement pour une durée déterminée qui peut :

  • soit ne pas être renouvelé lorsqu'il arrive à échéance
  • soit être renouvelé sur des bases différentes.

L'intéressement des salariés n'est pas la participation des salariés aux résultats : même si dernièrement le législateur a tendance à rapprocher les deux dispositifs. Cela étant, les deux systèmes demeurent indépendants et obéissent à des règles distinctes.

Contrairement à la participation des salariés qui a une formule dictée par le Code du Travail, les modalités de calcul de l'intéressement sont définies par les parties signataires de l'accord, ce qui offre plus de souplesse.

Compte tenu du caractère collectif de l'intéressement tous les salariés entrant dans le champ d'application de l'accord d'intéressement des salariés doivent en bénéficier quelles que soient les particularités de leur contrat (apprentis, travailleurs à domicile, contrat de retour à l'emploi, d'orientation, contrat emploi-solidarité...). Seule une ancienneté de 3 mois peut être exigée, sinon tous les salariés de l’entreprise doivent en bénéficier.

Ainsi, un accord d'intéressement qui exclut les apprentis ne répond pas à la condition selon laquelle tous les salariés de l'entreprise doivent pouvoir bénéficier de l'intéressement. En conséquence, les sommes versées par l'employeur au titre d'un tel accord doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations sociales.

La durée de l'accord d'intéressement des salariés 

Depuis le 9 décembre 2020, les accords ont une durée comprise entre 1 et 3 ans (contre 3 ans avant) et depuis le 18 août 2022, la durée va de 1 an à 5 ans selon l'article L 3312-5 du Code du Travail.

L'intéressement doit être aléatoire dans son résultat

La formule doit assurer le caractère variable mais surtout incertain de l’intéressement. Ni le versement des primes ni leur montant ne peut être garanti.

Écrire : « chaque année les salariés vont toucher 100 € » n’est pas possible. Il faut une formule avec un aléa, les résultat de la formule doit varier voire être nul.

La formule trouvée doit comprendre des cas ou elle ne donne rien comme, par exemple, indiquer un déclenchement si le chiffre d’affaires augmente de 5%, cela veut dire que si ce même chiffre d’affaires n’augmente de que 4% (ou moins) les salariés ne toucheront rien. C'est sous cet angle que l'administration voit le coté aléatoire de ce dispositif.

L'accord doit mentionner obligatoirement une formule de calcul.

Cette formule est la garantie du caractère aléatoire et l'assurance d'une véritable sécurité juridique afin d'éviter toute imprécision susceptible de déboucher sur des divergences d'opinion. La formule doit être claire et faire appel à des éléments objectivement mesurables (résultats, ratios) dont la définition figurera nécessairement dans l'accord.

 

La non substitution a un élément de rémunération

Le Salaire et intéressement aux résultats de l'entreprise présentent un caractère distinct, même s'ils sont susceptibles de s'insérer dans une politique globale d'ensemble de l'entreprise en matière de rémunération (surtout à l'heure actuelle avec les problèmes d'embauche et d'inflation).

Le législateur a souhaité à travers ce dispositif donner un complément de rémunération aux salariés. En aucun cas, les négociateurs ne doivent substituer une prime chargée à une prime d’intéressement. Il faut que ce soit un plus dans la rémunération. Le remplacement de l'intéressement à un élément de salaire existant préalablement supprimé entraîne la remise en cause des exonérations fiscales et sociales attachées aux primes d'intéressement des salariés qui devient comme une simple prime avec des cotisations sociales et patronales. La Cour de Cassation a même ajouté que le salarié est en droit de réclamer la prime qui a été substituée

L’intéressement des salariés ne doit pas figurer sur un bulletin de salaire et doit faire l’objet d’un bulletin exceptionnel. Une annexe envoyée à tous les salariés doit rappeler, de manière claire, les règles essentielles de calcul et de répartition prévues par l’accord.

 

Le périmètre de l'intéressement des salariés  

le projet multi-entreprise

Dans les entreprises ou les groupes disposant d'un accord d'intéressement et concourant avec d'autres entreprises à une activité précise, un accord peut être conclu pour prévoir que tout ou partie des salariés bénéficie d'un intéressement sur le projet réalisé en commun. Ce cas concerne plusieurs entreprises et uniquement les salariés participants au projet. De plus, cet accord est en plus des accords de participations classiques.

Cette modalité d'intéressement est, non plus liée aux résultats ou aux performances de l'entreprise qui emploie le salarié, mais à ceux d'un projet auquel participent plusieurs entreprises.

D'un point de vue pratique ce cas peut être complexe car il demande à bien préciser le projet, son contour, les nombre de salariés concernés et la performance du projet. Les élus de CSE ou les DS devront être vigilants sur ce cas qui va demander un gros travail en amont, au moment de la signature de l'accord.

 

le projet interne à une entreprise

Il s'agit d'un intéressement ne concernant qu'un projet (et donc une partie de l'entreprise) en plus d'un accord classique.

attention, dans ce cas, il convient d'être précis et de sécuriser l'accord et la formule.

 

Un accord d'intéressement des salariés conclu trop tardivement

Si un accord est conclu après le milieu de la période de référence, l'intéressement n'ouvre pas le bénéfice des exonérations sociales et fiscales durant le 1er exercice. L'accord conclu tardivement produit néanmoins effet à l'égard des bénéficiaires ; les sommes versées ont la nature de salaire. Selon le Code du Travail, l'article L. 3315-5, l'accord d'intéressement produit ses effets entre les parties, mais n'ouvre droit aux exonérations que pour les exercices ouverts postérieurement à son dépôt à la DRIEETS.

Ce point est important à connaitre en cas d'ouverture tardive des négociations.

 

Le double plafonnement de ce système

 

Il existe un plafonnement global et un plafond individuel. Le calcul total de la prime d’intéressement pour l’ensemble des bénéficiaires ne doit pas dépasser 20 % du total des salaires bruts versés par l’entreprise (selon l'article L. 3314-8).

Le plafond pour chaque salarié est aligné sur celui de la participation des salariés (pour plus d'informations cliquer ici) égal à 3/4 plafond annuel de la Sécurité sociale (contre 1/2 avant).

Ces limitations ne sont que des limitations d’exonérations de charges sociales, les sommes distribuées au dessus de ces limites sont soumises aux charges sociales classiques.

A noter : votre entreprise va payer le forfait social. Il s’agit d’une charge patronale qui a augmenté de 2 points par an passant de 0% à 8% en 4 ans. Le gouvernement a décidé de mettre un coup de massue dessus puisqu’en 2012, cette taxe est passée de 8% à 20%.

 

présentation comptes annuels de l'entreprise soxia

Délai de conclusion et dépôt de l’accord d’intéressement aux bénéfices

Il convient d’abord de déterminer la période de versement.

La majeure partie des accords courent sur un exercice de 12 mois, mais il est possible de verser trimestriellement de l’intéressement, en mettant au point un calcul par trimestre.

L’administration considère que les performances sont aléatoires pendant la moitié de la période de référence. Ainsi sur une base de calcul de 12 mois, vous devez conclure au plus tard le 1er juillet pour avoir droit aux exonérations fiscales et sociales. Si vous décidez un versement trimestriel, vous devez conclure avant mi-février soit la moiti du trimestre.

Pour pouvoir permettre l’exonération de cotisations, l’accord doit être déposé à la DRIEETS (ex Direccte) dans les 15 jours suivant sa conclusion.

Ne pas oublier : aucun versement ne peut intervenir avant le dépôt à la DRIEETS.

2- L’élément central de l’intéressement des salariés : la formule de calcul

Pour mettre en place un accord d’intéressement des salariés, il faut négocier une formule qui va déterminer une enveloppe globale.

C’est le cœur de l’accord, c’est sur ce point que doit porter tous les efforts de négociation.

Important : cette formule doit être claire et doit faire appel à des éléments objectivement mesurables et vérifiables. Il convient de bien expliquer dans l’accord d’intéressement et de bien détailler son calcul. Il nous arrive de croiser des accords qui ne sont pas assez détaillés et la vérification en cas de désaccord entre la direction et les élus est impossible. Il convient de garder ce point à l'esprit lors de l'écriture de l'accord. Il convient de mettre un maximum de détails.

 

Le préambule de l'accord d'intéressement

L'article L. 3313-2 précise que l'accord d'intéressement doit comporter plusieurs clauses à commencer par un préambule indiquant les motifs de l'accord ainsi que les raisons du choix des modalités de calcul de l'intéressement et des critères de répartition de ses produits. Ce préambule doit permettre une plus grande transparence des conditions de conclusion des accords et être un moyen de contrôle pour les salariés et leurs représentants du respect des intentions initiales des parties.

Les autres clauses de l'accord d'intéressement des salariés

L'article L. 3313-2 ajoute que l'accord d'intéressement des salariés définit notamment :

1° La durée pour laquelle il est conclu

2° Les établissements concernés(le cas échéant)

3° Les modalités d'intéressement retenues

4° Les modalités de calcul de l'intéressement et les critères de répartition de ses produits dans le respect des dispositions prévues aux articles L. 3314-1 à L. 3314-7

5° Les dates de versement (au delà des intérêts doivent être ajoutés)

6° Les conditions dans lesquelles le comité social et économique (CSE) ou une commission spécialisée créée par lui dispose des moyens d'information nécessaires sur les conditions d'application des clauses du contrat

7° Les procédures convenues pour régler les différends qui peuvent surgir dans l'application de l'accord ou lors de sa révision.

 

Les éléments de calcul de la formule de l'intéressement des salariés peuvent être financiers ou non

Tout choix est valable et possible, nous avons rencontré : des tonnes manutentionnées, des kilos de viandes préparés, une amélioration du taux d’accident de travail, une amélioration du temps de production, le taux d’occupation d’un logiciel, l'évolution des ventes par magasins …

Tout peu être mesurable et rentrer dans l'accord.

Il faut veiller à ce que les objectifs de la formule de l'intéressement soient réalistes et réalisables

Nous avons croisé des cas de mise en place d’un accord d’intéressement aux bénéfices pour la forme. L'entreprise met en place un accord pour justifier une bonne politique sociale globale mais rien n'est versé.

Pour arriver à ce résultat, l’entreprise propose d’en mettre un accord en place mais les objectifs sont importants et durs à atteindre. Si votre CA d’exploitation augmente en moyenne de 2% par an, demander 8% est irréalisable et ne donnera rien !

 

La solution :  mettre plusieurs indicateurs dans la formule de l'intéressement

Il est plus prudent de prendre plusieurs critères, par exemple deux financiers (variation de CA et un élément de rentabilité) et 1 non financier (amélioration du taux d’accident du travail, tonnes manutentionnées…).

Enfin, plutôt que de mettre en place un seuil de déclenchement, demandez une plage évolutive. Pour illustrer la différence entre ces 2 cas :

-       un seuil de déclenchement serait de dire si votre chiffre d’affaires augmente de plus de 10% vous toucherez 1% de la masse salariale. Dans ce cas, si vous faites 9%, il y a une belle progression … mais votre accord d’intéressement aux résultats ne donnera rien.

-       Avec une plage de déclenchement vous pouvez envisager 0.3% de la masse salariale si vous faites une hausse de 7%, 0.6% si vous progressez de 8% et 0.9% si vous faites 8%. La progressivité est moins dure et fera qu’une partie de vos efforts sera récompensée.

3- La répartition : la seconde négociation de l’accord d’intéressement des salariés

Le code du travail liste les seules possibilités de répartition de l’enveloppe possible soit :

- une répartition uniforme (divise l’enveloppe par le nombre de salariés),

- une répartition proportionnelle au salaire (plus on gagne plus on touche)

- une répartition proportionnelle à la durée de présence (sont sanctionnés les absences sans solde, le congé de paternité…),

- il est possible de mixer les critères.

Les salariés qui ont quittés l’entreprise ont droit à une quote-part de l’intéressement aux résultats.

 

4- L’imposition des sommes provenant de l’intéressement des salariés

L’intéressement versé est net (il est soumis à la CSG et CRDS) ainsi qu’au forfait social (cotisation de l’entreprise) qui est de 20%. Cette forte hausse de la taxation risque de rendre les entreprises plus frileuses voire des renégociations à enveloppe globale constantes.

Si les sommes sont bloquées sur un PEE ou un Perco, vous n’avez pas à l’inclure dans votre impôt sur le revenu. Si vous demandez à le toucher, par contre, vous devrez payer de l’impôt sur le revenu.

Lors du versement de l’intéressement aux résultats, le salarié reçoit une fiche distincte du bulletin de paie précisant le montant de la part revenant au salarié, le montant global de l’intéressement, le montant moyen de l’intéressement, le montant des CSG et CRDS.

5- le supplément d'intéressement des salariés

Enfin, il est possible depuis 2006, de négocier la mise en place d’un supplément d’intéressement aux résultats.

Vous pouvez aussi consulter le site Service-public et le site des URSSAF

Si vous avez une question sur l'intéressement des salariés

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